ATTENTION SPOILERS PARTOUT

lundi 27 février 2012

Les petits cris - J. Gagnon

La vie sexuelle des abeilles : un couple cherche à faire l’amour sans y arriver. Et la bosse des bossus, maman ? : la curiosité insatisfaite d’une enfant devient cruauté pour sa mère bossue. La chambre creuse : un type terne mène une vie terne. L’ambulance : un homosexuel est tellement heureux avec son chum qu’il fait des crises d’hystérie à répétitions qui le mènent toujours à l’hôpital pour y mourir d’amour. Dame Lessard : un homme qui déteste une femme lui prédit qu’elle va mourir d’un terrible cancer ; elle meurt dans l’année, mais en parfaite santé. Une chanson de Françoise Hardy : un souvenir d’amour, introuvable, impalpable, une petite ritournelle qu’on jugeait dérisoire dans le temps et qui revient fixer ce souvenir après des années. Cette salope de Jeannine : un homme tombe amoureux d’une femme qui l’avilira au point de le rendre impuissant quand elle le quitte. Le nombril de la Terre : les gens d’une petite ville meurent mystérieusement d’une explosion de merde quand le ventre leur éclate, puis la ville s’efface de la Terre en ne laissant qu’un petit anus de terre qu’on appellera pudiquement le Nombril. Le petit Gaspar : Gaspar est tellement supervisé par sa mère, tellement contrôlé, qu’un jour il s’arrache le cul à force de se torcher. Il doit être chez Gervaise : un homme cherche son amant à travers la ville, puis le monde, alors que ce dernier l’attend sur le perron de la maison. Les petits cris : une fille naît à un couple, c’est une fille qui pousse incontrôlablement trois cris suraigus à toutes les quinze minutes. Elle grandit sans trouver à se marier car sa mère, après l’avoir bâillonnée, lui a inculqué la manie obsessive de la propreté (elle va jusqu’à torcher les chevaux). Klondike : on a toujours pensé que le vieil homme cherchait de l’or, alors qu’il cherchait le meilleur endroit où enterrer sa maîtresse tant aimée. Le meurtre de Clarisse V. : Clarisse est assassinée de la pire des manières dans le beau Monde. Elle faisait chanter tous ses amis et sa parenté, et ce chantage était réciproque à grande échelle. Mais l’inspecteur en arrive à la conclusion que le meurtre n’a pas pu avoir lieu car il a été commis durant la semaine des quatre jeudis. Une nouvelle absurde pour le moins.

Le talent de Jocelyn Gagnon est vaste mais il s’emberlificote parfois dans des histoires faibles, que le style parvient difficilement à sauver. Reste que ça nous fait une belle jambe, Gagnon, c’est avant tout un style extrêmement léché, aux phrases pleines de fioritures, ornés en diable, élégantes et originales. Des fois, cependant, ça a l’air juste de ça : d’élégance et de m’as-tu-vu stylistique.

Gagnon fait des histoires cyniques, noires, désespérées, d’amour déçu, d’amants insatisfaits ou abandonnés, d’objet que l’on cherche toute la vie et que l’on ne peut retrouver alors qu’ils sont tout à côté : c’est donc une forme de romantisme et d’idéalisme, mais cassés, en morceaux, irréparables. Ne reste que les belles phrases étourdissantes.

Les petits cris
J. Gagnon
Québec/Amérique, 1985
169 pages

dimanche 26 février 2012

American Psycho - Bret Easton Ellis

Patrick Bateman est un jeune yuppie new-yorkais. De jour, il est courtier et gère un portefeuille important chez un courtier. Le soir, il est tueur en série.

Autrement, la vie qu'il mène est un exemple de platitude rectiligne. Il est riche (190 000 $ par année), il a des filles comme il veut, il sniffe de la coke, il va dans les plus chics restaurants et dans les bars à la mode. Pourtant son existence, et celles de ses congénères yuppies, est d’une morose insipidité. Ces gens-là ont tout, en apparence, mais, justement, ils en restent aux apparences. Qui sont-ils ? On ne le saura pas; ce que l'on apprendra d’eux, c'est le style de leurs vêtements, de leurs coiffures, la nature des soins esthétiques (beauté et gymnastique) qu'ils apportent à leur corps.

Pourtant, Bateman est assailli par un besoin incontrôlable de tuer, et surtout de faire souffrir en amenant sa proie à la mort. Ses premières victimes seront un clochard et son chien qu'il s'amusera a dépecer dans une ruelle. Puis, après ça, son désir inassouvissable sera épongé partiellement par un excès de plus en plus grand de dépravation. Bateman s'attaque aux faibles, à ceux à qui la société n`offre pas d’identification : les clochards, les amuseurs publics et les prostituées. À une seule reprise va-t-il tuer un individu de sa caste. D'ailleurs, le roman orbite complètement autour de ce problème de l'identification.

Le fonds sadique de Bateman menace constamment se sortir, de trouver un moyen de se faire connaitre du monde. Cette bête en lui essaie de s'extirper, crie et se rebelle face au silence dont elle fait l'objet — mais nul ne l`entend, hormis le lecteur et Bateman qui raffole de la proximité du danger. Ces épisodes sont peut-être des fantasmes de l'imagination de Bateman, le lecteur devra forger sa propre opinion car aucun indice ne permet de le savoir précisément.

De ce roman, on pourrait attendre une fin morale. Non. Bateman s`en tire, tout simplement parce que les gens de sa génération et de sa qualité s'en sortent : ils ont l'argent, le pouvoir — ils dominent la société,

L'auteur réussit un étrange tour de force : celui de ne décrire absolument personne dans son gros roman. Les hommes sont décrits — avec profusion —- par leurs vêtements (tous assez semblables) et les femmes par leurs coiffures, la grosseur de leurs boules (c`est un roman machiste) et leurs vêtements. D'ailleurs, l'identification personnelle devient vite quasi-impossible, car, d'un jour à l'autre, les vêtements changent selon les modes; de sorte que les personnages n'arrivent jamais à s'identifier chacun l'autre correctement, il y a constamment méprise sur les personnes. Le narrateur lui-même est continuellement pris pour un autre — et le plus énorme, c'est que cette perte d`identité n'inquiète absolument personne et ne les intéresse même pas. Cette grisaille quotidienne fait partie des choses de la vie. Ils ne se connaissent que de nom, reconnaissent vaguement un visage dans la foule... Mais ils sont absolument au courant des griffes de couturier et savent reconnaitre une chemise Brooks d'une Armani au coup d’œil.

Le monde de l'artifice.

Ce roman a fait sensation avant même sa publication américaine quand les passages les plus violents furent coulés à la presse. Une campagne féministe avait appelé au boycott avant sa sortie.

Pourtant, il n'y a pas, ici, de complaisance face à la violence. Les passages les plus durs font frémir, au début en tous cas, puis ils lassent (une obsession est, de par sa nature, répétitive), mais ce sont des passages nécessaires pour les développements psychologique et fantasmatique de Bateman.

Un excellent roman, drôle (notamment tout un chapitre où Bateman, un copain et une fille tentent de choisir, lors d'une conférence téléphonique à trois, un resto où aller souper), pertinent et éclairant sur une couche sociale dont on entend parler beaucoup, les yuppies, mais qui pour le commun des mortels demeurent des bêtes mystérieuses.

American psycho
(An American Psycho)
Brett Easton Ellis
Seuil Points, 1993
513 pages
lecture 2 août 93

mercredi 22 février 2012

Arena - Magic : The Gathering - William R. Forstchen


De la merde.

J'en ai lu vingt pages. Ça été suffisant. J'ai acheté ça en sachant très bien que ça ne volerait pas bien haut. Au mieux, cette mise en situation de l'univers MTG aurait pu être médiocrement intéressante. Horreur, c'est un oiseau sans ailes : ça ne sert à rien, c'est laid et ça piaille fort. Parce que le roman est gros et verbeux.

Mon ami Ronald a eu le courage de le lire au complet. Ça en dit long sur son courage ou son abnégation, ou sur la perte de son sens critique.

Vingt pages. Misère. Ça met le coût de la page lue à 32 ¢.

Magic the Gathering : Arena
William R. Forstchen
HarperPrism, 1995
297 pages
Lu : septembre 95

The Sportswriter - Richard Ford

Frank Bascombe est un écrivain de sport pour une revue spécialisée. Il a publié quinze ans auparavant un recueil de nouvelles qui lui a valu estime et fortune. Depuis, c’est la panne sèche. D’ailleurs cette panne-là ne l’émeut pas. Frank est un homme déconnecté. Sa femme est parti parce qu’elle trouvait morne la vie en sa compagnie.

Je n’ai pas terminé ce livre. Ça porte tellement sur les nerfs, cette espèce de néant de valeurs et d’émotions. L’absence de valeurs profondes ne signifie pas que le personnage se vautre dans l’acte gratuit ou dans le genre de pensées nihiliste où rien ne compte, surtout pas la douleur que l’on inflige aux autres. Bascombe est un type correct qui essaie de vivre sans trop faire de mal autour de lui.

Ce qui irrite, c’est à la fois le propos du livre (mais ne l’ayant pas fini, comment osé-je porter un jugement ? – d’autor !) et la manière de l’écriture qui reste collé aux limites du personnage, à ses introspections à tiroir, à des séries de flashbacks sans relief à l’intérieur de flashbacks d’une égalité sans pareille. Il y a quelques bonnes réflexions dans ce roman : mais elles sont éparses, et on sent que l’auteur se préparait à les déclamer, le roman tout entier donne l’impression d’avoir été orienté en fonction de ses réflexions.

Bon. Et puis ça n’avance pas, ça stagne. On s’ennuie en compagnie de Frank Bascombe, on voudrait qu’il fasse quelque chose, qu’il pète, qu’il rote, qu’il saute ses blondes, qu’il vive ! Mais non, Bascombe traîne ses interrogations inintéressantes (il les juge telles lui-même) et succombe à l’indifférence introspective pour un oui et pour un non. Ce n’est ni de la complaisance (au moins, ce serait une émotion !), ni de la morbidité…

Ça parle de l’indifférence, de la perte de l’intérêt – et l’écriture est, hélas, parfaitement idoine avec le sujet.

The Sportswriter
Richard Ford
Vintage, 1986
375 pages
Lu : octobre 93