ATTENTION SPOILERS PARTOUT

samedi 19 mars 2011

2010 : odyssée deux - Arthur C. Clarke

En 2010, une mission américano-soviétique est lancée pour récupérer Discovery, le vaisseau en orbite autour de Jupiter depuis que Dave Bowman l'a abandonné pour un univers secret. L'existence du gigantesque monolithe en orbite autour de Jupiter a été gardée secrète depuis les événements de 2001. Composée de sept soviétiques, de trois américains et d'un Indien, le Dr Chandra, père spirituel de Hal, la mission s'élance vers son rendez-vous. Elle sera doublée entre-temps par une expédition chinoise qui se terminera tragiquement quand son vaisseau sera anéanti par des créatures primitives vivant sous les glaces d'Europe, un des satellites de Jupiter.

Le vaisseau Leonov s'arrime à Discovery et parvient à le remettre en état de fonctionner. Avec une infinité de précautions, car on ne sait toujours pas ce qui est arrivé à Bowman, l'équipe explore le monolithe auquel on a donné les noms russe de Zagadka (énigme) et anglais de Big Brother, mais celui-ci refuse obstinément de révéler quoi que ce soit. Pourtant, un jour, le monolithe s'ouvre sur une nuée d'étoiles, un point lumineux s'en échappe et se dirige à toute vitesse vers la Terre : c'est Bowman qui revient, sous la forme d'une masse de pure énergie. Bowman fait le tour de la Terre, faisant exploser une bombe nucléaire en orbite chargée de l'éliminer; il rend visite à sa mère mourante et à sa blonde dont il rêve toujours malgré son essence fort peu corporelle. Après sa virée terrestre qui n'était qu'une mise au point de ses réflexes, il remet le cap vers Jupiter afin de confronter la mission Leonov et de mettre au clair (y compris pour lui même) les intentions des créatures qui l'ont fait passer à cette étape ultérieure de l'évolution.

Pendant ce temps, les membres de l'équipage (qui comprend, outre le Dr Chandra, le Dr Heywood Floyd — tous les deux de 2001) se préparent à rentrer paisiblement vers la Terre en ramenant Discovery. Bowman fait une apparition à Floyd et l'enjoint de partir avant quinze jours, car sinon la mission aura de vrais gros ennuis. Les autres membres de l'équipage sont assez incrédules mais, en raboutant de petits morceaux du puzzle, tous finissent par accréditer la vision de Floyd, tout spécialement quand le monolithe disparaît subitement, sans raison apparente. C'est le signal. D'urgence, on prépare un plan pour déguerpir sans demander son change, on abandonne Discovery et Hal qui a repris du service. Sur le chemin du retour, Floyd remarque des milliards de monolithes qui recouvrent une large partie de l'atmosphère de Jupiter. La planète, écrasée par cette masse hyperdense, se rétracte comme l'étoile qu'elle a failli être, puis explose sous la pression, Jupiter est devenu une étoile. Peu à peu les satellites de Jupiter vont se réchauffer, la vie va continuer de fleurir sur Europe et les humains vont pouvoir coloniser les autres lunes de la nouvelle étoile. L'épilogue, situé en 20 001, nous montre les créatures d'Europe, au premier stade de l'urbanisation, formant un noyau de civilisation primitive au cœur des colonies humaines autour de Jupiter. Les monolithes, dont le rôle est de favoriser le développement de l'intelligence, quelle qu'elle soit, veillent en silence sur Europe qu'ils protègent.

Cette suite à 2001 ne s'imposait pas du tout. Parce que Clarke éclaircit les mystères qui faisaient tout le charme du livre et du film : la présence énigmatique des monolithes et leur effet, la disparition de Bowman, la folie de Hal; ces ficelles qui pendaient du roman permettaient toutes sortes de théories et d'hypothèses. C'était le charme premier du livre, qui l'extirpait de la masse des romans sf et lui donnait toute sa richesse et même une raison supplémentaire de continuer à exister dans l'esprit du lecteur.

On ne peut rien reprocher à 2010, Clarke écrit comme un jeune pro plein de promesse. Son roman vit, bouge — mais le déménagement des neurones ne se fait pas. Les personnages sont bien décrits, caractérisés, typés, tout ça, c'est du travail irréprochable. Mais les mystères étant déflorés un à un, le lecteur s'enfonce dans un magma imperturbablement terre à terre. Exit l'élévation et la folie philosophique; le lecteur se paie un ouvrage d'une extrême compétence... Et, en littérature, ne l'oublions pas, le substantif compétence porte une idée un peu péjorative.

2010, odyssée deux
(titre original : 2010: Odysssey Two)
Albin Michel, 1985
294 pages
lecture : novembre 94

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