Michael Huggins vient d’avoir quarante ans. C’est un homme à femmes, un Casanova misogyne qui n’aime les femmes que pour le plaisir qu’il peut en tirer. Le jour de l’enterrement d’une collègue de bureau, il fait la connaissance de la nièce du défunt, Marjorie, une femme splendide à qui il fixe un rendez-vous pour le soir même. Ce qu’elle accepte avec joie car Huggins est vraiment irrésistible. On comprend assez rapidement que si Marjorie tombe amoureuse de Michael, lui la considère comme un trophée de chasse, une belle bête qu’il consomme avec délectation. Marjorie, dont l’amour est éperdu, se souille à la demande de Michael qui va l’humilier sans cesse, lui demandant de se prêter à son copain, Junkie, un Arlequin poétique et raté, un hippie puant, crasseux mais au grand cœur (ô cliché). Marjorie accepte tout dans l’espoir que Michael lui revienne.
Quelques jours plus tard plus tard, Huggins voit passer devant chez lui une délicieuse jeune femme qui mange nonchalamment des cerises. Il est pris du puissant besoin de faire sa connaissance. En attendant, dans ses rêveries, il la prénomme Cerise. Cerise est une Française dont le mari fait un stage à Londres. Elle ne parle pas un mot d’anglais, ce qui, de prime abord, ne va pas faciliter la conversation avec Michael quand il trouve le moyen de faire sa rencontre dans une épicerie. Pourtant, le gars est persistant, il ne lâche pas le morceau qu’il croit tenir.
Cerise sera une proie beaucoup plus difficile à saisir, en fait, Michael ne parviendra pas à lui faire l’amour; d’où le titre en forme de question qui revient comme un leitmotiv dans tout l’ouvrage. Et ce qui est même le plus terrible pour Michael le chasseur, c’est qu’il découvre l’amour. Lui qui n’a jamais désiré que la chair des femmes, voilà qu’il se met à pleurnicher pour un rien, à échafauder des plans grotesques pour la ravir, il ne pense plus qu’à Cerise; plus elle est distante, plus il en rêve, plus il s’imagine que sa vie ne peut s’accomplir qu’avec et par elle.
Pourtant peu à peu, la résistance de Cerise s’use, ses forces s’étiolent. Quand elle se retrouve à l’hôpital suite à une mauvaise chute et que son mari doit retourner à Paris sans faute, elle commence sérieusement à ployer. Sa relation avec Michael Huggins s’intensifie tout en demeurant d’une chasteté peu ordinaire. Bientôt elle est guérie et doit traverser la Manche pour retrouver son mari. Michael prend congé de son travail et l’accompagne en France. Sur le quai de la gare, Marjorie fait une apparition extrêmement inattendue, elle tire huit balles et tue Michael Huggins.
Le roman prend fin abruptement et il était bien temps car la patience du lecteur avait été rudement mise à l’épreuve. L’histoire en vaut bien d’autre, celle du Casanova qui découvre le sens véritable de l’Amour, qui apprend à distinguer les appels du cul de ceux du cœur, on a lu ça ailleurs, avec moins d’insistance peut-être, mais on n’en tiendra pas rigueur à Fallet. Ce qui choque et ennuie dans ce roman, ce sont a) le ton très british (tel que vu par un Français), vouvoiement et distance interpersonnelle absurdement exagérés, et b) l’antipathie très vive qu’un personnage comme Michael Huggins génère chez le lecteur.
Tout le roman fait très affecté. Ce qui nous est décrit fait breloque, le cul qui nous est montré n’intéresse pas (c’est un comble), l’amitié masculine entre Junkie et Michael est fausse, seul l’amour éperdu de Marjorie pour son baiseur a un peu de profondeur. C’est peu.
J’avais beaucoup aimé la Soupe aux choux du même Fallet, roman qui se situe dans sa veine beaujolais (c’est lui qui précise). Comment fais-tu l’amour, Cerise ? se situe dans l’autre veine de l’auteur, dite whisky, largement inférieure.
Comment fais-tu l’amour, Cerise?
René Fallet
1985, Folio
310 pages
lu: avril 95
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