Deux vieux habitent un village quasi abandonné du Bourbonnais. Ce sont Francis Chérasse, dit Cicisse, dit le Bombé (parce qu’il est un chouïa bossu) et Claude Ratinier, dit Le Glaude. Ils mènent une vie bien tranquille, très campagnarde, faite de nombreux canons éclusés et de remarques caustiques sur leur environnement.
Un jour, un Oxien (habitant la planète Oxo) vient atterrir dans le potager du Glaude en pleine nuit. Les Oxiens vivent une vie monacale, sans plaisir car ils ne connaissent ni la différentiation sexuelle, ni la nourriture ni le vin. Le Glaude, aidé par Cicisse, va entreprendre la Denrée (puisque tel est le nom qu’ils vont choisir pour leur hôte — qui n’en a pas) et le mener très lentement au bouleversement de ses mœurs. La Denrée va ensuite contaminer les habitants de sa propre planète en leur inculquant les joies de la soupe aux choux dont ils se feront un régal princier.
Mais la vie tranquille et peinarde des deux vieillards est finalement menacée par une expropriation quand des promoteurs imaginent que sur ce site enchanteur on peut construire un parc d’attractions avec autoroute, grande surface commerciale et hôtels pour loger les milliers de touristes qui vont assaillir les lieux. Cicisse et le Glaude sont découragés, mais la Denrée leur propose un marché. Puisque la soupe aux choux dont ils lui ont livré le secret n’est vraiment délicieuse que si c’est eux qui la font, et compte tenu de sa popularité sur Oxo où elle est devenue un remède à la morosité et est prescrite par les médecins, la Denrée leur propose de les emmener tous les deux, avec le chat noir du Glaude, et un grand lopin de terre sur lequel ils pourront continuer à faire pousser choux, carottes et oignons, tout ce qui est absolument nécessaire au succès de cette soupe miraculeuse. En plus, ils vivront jusqu’à deux cent trente ans sans aucun des désagréments de la vieillesse. Ils acceptent et partent le cœur léger, abandonnant un monde qui les abandonnait en retour, quittant une vie qui arrivait à terme...
Comme c’est absolument délicieux. Amusant, noir, caustique, triste sans céder à la mélancolie et plein à ras bord d’une tendresse âcre et bourrue qui ne trouve pas les mots pour avouer sa propre nature…
Comme c’est absolument délicieux. Amusant, noir, caustique, triste sans céder à la mélancolie et plein à ras bord d’une tendresse âcre et bourrue qui ne trouve pas les mots pour avouer sa propre nature…
Quelques épisodes mémorables : une famille belge s’éreinte et se ruine à retaper une ferme depuis une décennie, travaillant, geignant et suant du matin au soir en prenant ses quinze jours annuels de vacances, les enfants en ont marre et les voisins — dont les deux vieux — rigolent, la femme du Glaude ressuscitée par la Denrée mais avec soixante ans de moins, ce qui la rend jeune, jolie, désirable, mais dorénavant incapable de vivre dans cette campagne avec ce vieux kroum et la résignation de celui-ci à la perdre pour un jeune gars; le chat, vieillissant, tout juste bon à se coucher au soleil, le ventre creux, parce que les souris sont de plus en plus rapides; l’interlude mélodique avec le Glaude et Cicisse en fins pétomanes hilares; et la fin, à la fois tragique et souriante...
Le roman est souriant — continuellement —, parfois hilarant, empreint d’une chaleur rubiconde pour un mode de vie en voie de disparition et ses habitants dont on fait peu de cas. La Soupe aux choux est un hymne plein de verve et de verdeur à l’amitié, et à la résignation devant les ravages du siècle et de la vieillesse, sans nostalgie larmoyante aucune.
La Soupe aux choux
Le roman est souriant — continuellement —, parfois hilarant, empreint d’une chaleur rubiconde pour un mode de vie en voie de disparition et ses habitants dont on fait peu de cas. La Soupe aux choux est un hymne plein de verve et de verdeur à l’amitié, et à la résignation devant les ravages du siècle et de la vieillesse, sans nostalgie larmoyante aucune.
La Soupe aux choux
René Fallet
1989, Folio
281 pages
lecture : mai 94
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