TÉLÉ-CRIME. Lorraine Valence vient d'être nommée chef de brigade de la 7e DPJ à Paris et sa première enquête consiste à résoudre un meurtre commis sur le plateau de l'émission-télé, Aérobic-Parade, où une vieille danseuse s'est écroulée, empoisonnée au curare. Aussitôt, c'est l'écheveau inextricable. Tout le monde sur le plateau a des raisons de vouloir assassiner son prochain, et l'affaire prend une dimension plus complexe quand on apprend que la vieille danseuse est morte d'avoir mangé une crème caramel destinée à la star de l'émission, Tatiana. L'enquête est donc orientée dans ce sens : qui donc pouvait avoir intérêt à tuer Tatiana ? Valence et ses acolytes, l'inspecteur principal Louis-Philippe Marceau et les inspecteurs Corona, Simonelli et Mabrouk, piétinent sérieusement jusqu'à ce qu'un témoin se contredise : on démasque Gérard, le mari de la nièce de la vieille danseuse, c'est lui qui a commis le crime, il visait bien la vieille dame pour toucher le gros héritage tant attendu, c'est d'ailleurs Gérard qui avait détourné les soupçons vers une tentative de meurtre sur Tatiana en inventant l'histoire de la crème caramel... Une assez bonne histoire. Le style de Cauwelaert (l'éditeur donne à entendre que c'est lui seul qui a écrit les histoires, et le lecteur n'a aucune difficulté à le croire) désarçonne au début, il a une nervosité, une manière très personnelle de rythmer les dialogues.
L'AFFAIRE JOLICŒUR. Dans un Léoléro, sorte de Club Price français, un jeune gardien de sécurité est abattu par des malfaiteurs qui volent des babioles. Lorraine Valence est mise sur l'enquête, qui part dans toutes les directions jusqu'à ce que les évidences montrent que le meurtre du gardien de sécurité n'était pas gratuit; il s'agissait d'un agent de Moscou passant des informations de sécurité nationale à l'Est. Les services secrets (GIGN et DGSE) embarquent sur ce dossier qui est retiré à la commissaire... Une histoire très couci-couça, surtout en raison du dérapage narratif quand l'auteur utilise d'autres narrateurs que Lorraine ou Louis-Philippe. Un nouveau personnage extrêmement coloré s'ajoute à la galerie, Eugène Colmar, reporter judiciaire à radio libre Fréquence Vermeil, qui n'est autre que le papa de Lorraine. Ce touche-à-tout impertinent a le don de porter sur les nerfs de sa fille qui l'aime pourtant beaucoup.
L'IMPRÉSARIO DE LA MORT. Lors d'une représentation de la pièce féministe Ras les mecs, une des comédiennes est victime d'une tentative de meurtre quand le câble qui doit servir à sa (fausse) pendaison est ainsi truqué que la fausse pendaison se transforme en vraie. Lorraine Valence et son équipe sont chargées de l'enquête. Comme la comédienne est une jeune Arabe, fille (et actrice renégate) de l'émir du Radzahli, l'incident diplomatique guette. Mais cette tentative de meurtre cache plutôt une affaire de protection criminelle, les commerces avoisinants le petit théâtre subissent les arnaques d'un individu. L'arnaqueur est le propriétaire d'un sex-shop qui périclite (quel beau suffixe pour un tel commerce!) qui s'en prend à ceux qui lui volent sa clientèle traditionnelle... Tout à fait délicieuse cette histoire qui mêle les mouvements de mode et de pensées (le sexe, les immigrés, le féminisme, la technique moderne — faut voir la 7e DPJ aux prises avec leur nouvelle installation radio) fouettés par un humour pas agressif, un peu ironique, surtout très tendre. Les personnages se développent et on se prend à les aimer.
INGÉNU DU CLAIRON. Le cheval éponyme du milliardaire rouge Raymond Brignoles a été kidnappé. Une rançon est demandée, payée, elle est rendue sans qu'un seul billet ait été pris. Parce qu'il est baron et amateur de chevaux, l'affaire tombe dans les bras plâtrés (un accident qui s'est produit dans l'histoire précédente) de Louis-Philippe Marceau, qui va la traiter en compagnie de son chef de brigade. Assez lentement, encore une fois une chaîne de coupables potentiels viendront embrouiller l'enquête jusqu'à ce que les faits pointent en direction d'un trio de malfrats propriétaire d'un cheval tocard auquel ils intervertissent Ingénu dit Clairon teint lors des courses, c'est le pactole mais le cheval ne peut pas courir lorsqu'il pleut car sa teinture part... On se bidonne aux excès du milliardaire communiste, à ses attitudes très seigneur du château, à son socialisme de pacotille (fauteur aime particulièrement railler la gauche qui se prend pour la droite et la droite qui s'imagine de gauche). Retour apprécié du capitaine Plochin des services secrets, l'homme qui parle comme un télégramme, intrusions à répétition d'Eugène Colmar, moins pertinent que jamais.
FRÉQUENCE MALÉDICTION. Fréquence Vermeil, Ici-Tahiti et Shalom. FM partagent les ondes d'une radio libre de Paris. Des criminels font irruption et prennent tout le monde en otages dont Eugène Colmar en réclamant la fin des essais nucléaires en Nouvelle-Calédonie. Lorraine est appelée pour démêler l'affaire. Lors de la négociation, les criminels en profitent pour s'échapper en compagnie de la speakerine d'lci-Tahiti qui est leur complice et d'un sarcophage de l'ancienne Egypte. En réalité, le coupable est un écrivain critique gastronomique qui veut venger la mort accidentelle de sa femme, dix ans auparavant, aux mains des deux terroristes protagonistes de cette histoire... La meilleure nouvelle du recueil, drôle, efficace, pathétique et sanguinaire à la fois quand on comprend les motifs de l'écrivain qui n'hésite pas à faire assassiner des victimes innocentes pour venger celle qu'il a aimée. Ici, les personnages de la brigade sont touchant d'humanité et de drôlerie, les ingrédients de l'histoire sont bien dosés, notamment les chicanes de clocher entre les diverses radios de la fréquence libre. J'ai beaucoup ri.
ULTRA-LÉGER-MEURTRE. Laurent Pastero prend son envol dans un ULM qui, bientôt, ne répond plus à ses commandes. Le petit avion se dirige droit vers une zone d'essais militaires avant de se désarticuler en vol et de s'écraser, entraînant dans sa chute le malheureux pilote. Lorraine est encore chargé de l'enquête (y en aura pas de facile, disait Piton Ruel). Les coupables sont légions depuis Ingrid la suédoise qui était sa blonde mais aussi une fille facile qui broutait à tous les râteliers, menaçant de le larguer sans préavis pour un meilleur parti, Roro, l'ex-cycliste, ami et partenaire d'affaires, Christine, son ex, le jeune publiciste Jean-Luc, coupable — à tout le moins — d'arrivisme. De coupable potentiel en coupable potentiel, Lorraine finira par trouver les assassins, Roro, pourtant si gentil, et Christine. Ah ! les affaires sont dures !... Décidément, l'importance du non-policier dans ces nouvelles occupe de plus en plus de place. Ici, les affaires entre Louis-Philippe et Lorraine prennent une tournure inattendue quand le papa de Lorraine, Eugène, et la maman de Louis-Philippe, madame la baronne Yvette, connaissent un début d'idylle qui va tourner au mariage, ce qui mettrait frère et sœur Louis-Philippe et Lorraine. La nouvelle est printanière et amusante et les personnages sont bien plus intéressants que l'intrigue (qui est la plus tordue et la plus canonique de tout le recueil).
Dans ces nouvelles, ce qui est le plus évident finit toujours par être le véridique. C'est bel et bien la danseuse que l'on tentait d'assassiner dans la première nouvelle, C'est bel et bien le gardien de sécurité qui était visé dans la seconde. C'est un procédé. Mais qui fonctionne car il permet au lecteur de se libérer rapidement de l'intrigue pour porter son regard sur les personnages et les relations qui les unissent. Et ça c'est une réussite complète dans un mode mineur.
Dans le style de Cauwelaert, il y a de l'ironie, du primesautier, du coq-à-l'âne, de la tendresse et des personnages colorés. Une manière qui est près de celle de Robert Barnard, la faconde en moins et la rapidité en plus. De plus, ce qui ne gâte pas la sauce, c'est que les histoires sont chronologiques, reliées entre elles par l'unité de ton, bien sûr, mais aussi par le sentiment du temps qui passe, des relations qui mûrissent comme des liens au développement hasardeux et inéluctable.
Madame et ses flics
Dans ces nouvelles, ce qui est le plus évident finit toujours par être le véridique. C'est bel et bien la danseuse que l'on tentait d'assassiner dans la première nouvelle, C'est bel et bien le gardien de sécurité qui était visé dans la seconde. C'est un procédé. Mais qui fonctionne car il permet au lecteur de se libérer rapidement de l'intrigue pour porter son regard sur les personnages et les relations qui les unissent. Et ça c'est une réussite complète dans un mode mineur.
Dans le style de Cauwelaert, il y a de l'ironie, du primesautier, du coq-à-l'âne, de la tendresse et des personnages colorés. Une manière qui est près de celle de Robert Barnard, la faconde en moins et la rapidité en plus. De plus, ce qui ne gâte pas la sauce, c'est que les histoires sont chronologiques, reliées entre elles par l'unité de ton, bien sûr, mais aussi par le sentiment du temps qui passe, des relations qui mûrissent comme des liens au développement hasardeux et inéluctable.
Madame et ses flics
Didier van Cauwelaert & Richard Caron
1985, Albin-Michel
330 pages
330 pages
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