ATTENTION SPOILERS PARTOUT

dimanche 27 février 2011

Je suis vivant et vous êtes morts - Emmanuel Carrère

Cette biographie de Dick m'a profondément agacé. L'auteur est très très cool, baba cool, c'est trop cool, et même si c'est une attitude qu'il a parfaitement le droit d'adopter, je préviens tout de suite que ça m'agace. Ce premier aspect des choses, cette fausse familiarité met une distance entre le lecteur et le livre, et cette distance est tout entière occupée par l'auteur, bien en évidence, tout là-haut sur le socle qu'il s’est lui-même érigé, le menton bien haut, le nez dans le vent, tout à fait au-dessus de son sujet dont on se demande ce qu'il fait bien là, à la limite le sujet dérange; en fait l’auteur est bien plus préoccupé de lui-même et de son posturing que du sujet dont il traite. Ça part bien mal, car jamais le lecteur que je suis ne s’est senti interpellé par ce livre. La fiction de Dick, les angoisses de Dick et sa folie (si tant est le mot), tout est prétexte à l'auteur pour s'écouter parler et se regarder écrire. L'ego du biographe est si vaste et les choses qu'il a à dire si pertinentes que le biographé peut tout aussi bien aller se rhabiller, sa présence est un prétexte au déballage des émois et autres anxiétés, certitudes et axiomes d'Emmanuel Carrère. Finalement, c'est assez peu intéressant. Au pire, c'est trompeur.

Autre point achalant, c'est que j'ai eu l'impression que bien des choses ont été inventé par l'auteur pour tenter de prouver la pertinence de ses intuitions. Une impression comme celle-là est aussi difficile à prouver que l'erreur médicale, mais lorsque Carrère affirme qu'un jour Dick s'est senti paralysé de terreur (lors de l'épisode de la livreuse portant un bijou en forme de poisson et qui, pour Dick, marque la réalisation que quelqu'un quelque part dans l'univers lui envoie des messages) quand la minuterie de l'étage s'est éteinte, on ne peut s'empêcher de tiquer. Les minuteries d'éclairage sont un fait de société européen qui n'a pas traversé l'Atlantique. Carrère invente les détails de cet épisode; faussaire malhabile, on le surprend en flagrant délit. Le reste du texte, des anecdotes, est à l'avenant.

Voilà une biographie d'un écrivain important, qui était en plus un être tourmenté, fou peut-être, paradoxal, amusant, intelligent et grotesque. Carrère l'aime beaucoup, je crois. Mais il l'aime bien mal.

Tout compte fait, une biographie frivole, superficielle, DOUTEUSE. Qu'il faut oublié...

Je vous vivant et vous êtes morts
Emmanuel Carrère
1993, Seuil
359 pages
lecture : janvier 94

1 commentaire:

  1. Une coquille à la fin du votre texte :
    "Qu'il faut oublié..." remplacer par "Qu'il faut oubliER...".

    Merci pour cette fiche de lecture négative d'un livre que j'ai adoré. C'est ce qui me permet de réduire l'extase et passer à autre chose.

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