ATTENTION SPOILERS PARTOUT

samedi 30 juillet 2011

Le rose et le noir - Jean Daunais

DE FILLE EN AIGUILLE. Une trentaine de prostituées ayant disparu des rues de Montréal, l'inspecteur Lino Léomme fait appel à Arlène Supin, latiniste distinguée et détective libérée. Pour prendre le kidnappeur, Arlène fait faire le portrait-robot du plus bel homme possible car seul un pareil charmeur aurait pu avoir raison de l'impassibilité d'une fille de joie. Arlène elle-même devient prostituée afin de confronter le bandit. Au premier appel, elle se précipite au motel où un homme masqué l'accueille. Sous le masque, Arlène découvre Lino Léomme qui a eu une faiblesse bien compréhensible devant la splendeur du corps de la latiniste. Elle attend un deuxième appel. Autre rendez-vous encore une fois avec un type masqué. Cette fois, c'est le kidnappeur. Qui s'appelle Gaston. Ce n'est pas avec sa beauté redoutable qu'il fait tomber les filles, c'est plutôt avec sa laideur indescriptible. Elles deviennent folles et il les enferme charitablement dans son sous-sol en attendant qu'elles reprennent leurs esprits. Gaston n'est pas le mauvais bougre. Arlène résiste à sa laideur foudroyante, libère les filles kidnappée et remet Gaston aux soins d'un excellent chirurgien plastique et l'histoire finit là-dessus... Le style est léger, le jeu de mot allègre, l'esprit primesautier; on n'a cure de l'anecdote. Par contre, à force de trop de légèreté, l'auteur ne parvient pas à donner la moindre consistance à ses personnages, ce qui en fait la grande faiblesse de cette série de trois recueils que sont Les 12 coups de mes nuits, le Rose et le noir, le Nippon des soupirs, Gorges chaudes et le Short en est jeté.

IL ÉTAIT TROIS FOIS. Le génial professeur Hippolyte-Népumocène Xégaz a inventé un appareil à voyager dans le temps, c'est une simple montre que l'on met au siècle et à la journée que l'on veut. Arlène l'utilise pour descendre voir Jules César, brave général mais amant préoccupé, le Masque de fer (nul autre que l'ancêtre de Jacques Plante, mais une fine lame libidinale) et Leonardo Da Vinci auquel le sourire d'Arlène sert de modèle pour la Joconde. Retour au présent et destruction de la montre... Très en dessous des autres nouvelles, à cause de sa prémisse qui est idiote. On ne rit pas, on passe tout près de s'ennuyer.

LA MORT AUX DENTS. En croisière sur le SS Gouda Giovanni, Arlène rencontre l'agent de la C.I.A. Bob Slay. Un dentiste est assassiné par un membre d'équipage travesti en rousse incendiaire. Pourquoi ? L'homme était le dentiste du président des Etats-Unis, Arlène enquête à toute vapeur. Le dentiste avait installé une bombe dans la dent creuse du président, celle-ci va exploser incessamment. Pris de remords, le dentiste voulait faire annuler l'attentat. Son complice l'en a empêché, avec le résultat qu'on connaît. A peine aidée de Bob Slay, Arlène Supin démasque les terroristes et fait avorter l'attentat... Une nouvelle un peu plus ironique que ses congénères. Ça ne va pas loin, mais ça y va jovialement.

POUR UNE POIGNÉE DE TRENTE SOUS. A Miami, on soupçonne un Québécois de se livrer à des vols dans les motels de la ville; la preuve, c'est que l'on retrouve du petit change canadien sur les lieux des crimes. Arlène mène l'enquête. La vérité est plus étrange. Après avoir démasqué un Québécois voyeur impénitent, elle met en accusation un couple de contorsionnistes de cirque. Les accusés sont tellement ébahis par l'originalité et la rigueur de la pensée déductive de l'époustouflante détective qu'ils applaudissent d'admiration lorsqu'elle expose leur stratagème... L'épisode du voyeur impénitent est longuet, c'est du San-Antonio bas de gamme, on aurait pu faire sans.

DOGE MONACO. Pour la déposséder de son argent, le valet de Lady Wampole Harry-Dough la séquestre en même temps qu'Arlène Supin dont il ignore la véritable identité. C'est une erreur de sa part. Car son plan s'écroule quand Cyprien Nadir, archéologue et heureux amant d'Arlène Supin, arrive à sa rescousse aidé en cela par un pigeon auquel Arlène avait sauvé la vie... Hum. Là, l'auteur fatiguait. Ça parait. Si les nouvelles ont été écrites dans l'ordre, alors l'auteur en avait plein son casque. Ou bien est-ce un réflexe du lecteur blasé ?

Finalement, à la longue cette prose ennuie parce que les effets comiques sont limités aux diverses astuces patronymiques : Lino Léomme, Cyprien Nadir, Wampole Harry-Dough, Amedeo Gratias, Sylvie Tagreau, Horace Takhato, Guiseppe Dérasti, Armand Chabalet; et à l'amalgame d'éléments mondains et quétaines (Picasso et Serge Laprade, Cartier et Woolco, Fernand Gignac, Juliette Pétrie, Ginette Reno...) En contrepartie, les personnages sont tous également fades et sans consistance, et les intrigues sont traitées avec trop de désinvolture. Nous sommes ici au royaume du jeu de mots. Venez les admirer, il n'y a rien d'autre au menu.

Le Rose et le noir
Jean Daunais
1980, Héritage
édition originale 1980
168 pages
lu: août 95

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