ATTENTION SPOILERS PARTOUT

vendredi 29 juillet 2011

Valis - Philip K. Dick

En février et mars 1974, Philip Dick a été l'objet d'une série de visions mystiques. Pendant les huit dernières années de son existence, il va tenter — dans son Exégèse — de comprendre ce de quoi il a été victime; pourtant, jamais, il ne mettra en doute la réalité de ce qui lui est arrivé.

Cette période se manifeste aussi par une relative stérilité littéraire. Dick n'écrira dans cette période que Valis, The Divine Invasion et The Transmigration of Timothy Archer. Les trois livres portent directement sur son expérience du 2-3-74 (comme il se plaisait à l'écrire).

Valis est le premier livre écrit par l'auteur après cette expérience. Il tente de répondre aux questions suivantes : Comment être sûr que ce qui nous a touché relève du divin, de l'ordinaire, ou encore de l'extraterrestre ? Comment prouver que l'on est pas fou ? Enfin, comment peut-on valider une expérience pareille ?

Valis est l'histoire de Horselover Fat, l'alter ego de Dick (en grec, Philip signifie celui qui aime les chevaux, et Dick en allemand veut dire gras), frappé lui aussi par une série de visions en février et mars 74 et qui va chercher à y mettre de l'ordre. Suite à ses visions, Fat souffre d'anamnésie (qui est l'incapacité d'oublier). L'accompagnent dans son odyssée, Kevin le sceptique à l'humour grinçant, David le chrétien convaincu, et Phil Dick l'écrivain de SF qui trouve Fat sympathique et fou à lier.

Horselover Fat soumettra son expérience à une série d'interprétations. La quête de Fat est de valider les visions qu'il a eues, de les ancrer dans la réalité. Il interprétera la réalité, y guettant les signes simples et minuscules qui donneront un éclairage significatif à son expérience.

Le roman, autrement, est irracontable. C'est pourtant un livre glorieux, inoubliable et douloureux. Horselover Fat discute longuement de subtilités théologiques avec ses copains. Il tombe amoureux de femmes souffrantes et dépressives (dans l'espoir qu'elles lui briseront le cœur en mourant du cancer ou en se suicidant — Fat a une faiblesse du côté masochiste du cœur) et il essaie de donner un sens à ses visions.

Kevin l'amène voir un film de SF de série B, Valis. C'est la révélation. Pour Fat, voilà le sens de ses visions. Une entité extrêmement vieille, Valis, l'a bombardé d'un rayon rose chargé d'informations qu'il ne peut oublier mais qui ne font pas de sens. D'où l'anamnésie. Mais le film permet d'agencer toutes les informations dans un système théorique sans faille. Valis étant une des représentations de Dieu, elle amène Fat à entrer en contact avec le créateur du film, le guitariste rock Eric Lampton dont la femme a donné naissance à une petite fille qui est, pour les initiés, la glorieuse réincarnation du Christ : Sophie — Hagia Sofia, sainte Sophie. Sophie, qui a deux ans, et qui tient des discussions théologiques avec Fat et ses amis permet à Phil Dick de résoudre ses contradictions : Fat disparaît donc de la surface de la Terre, il réintègre l'entité. Phil Dick et Kevin et David en sont bien heureux, eux qui jouait la comédie du dédoublement pour ne pas se le mettre à dos. (Dick compose cette scène-là avec une bonhommie sans pareille — on ne dira jamais assez de bien de l'humour dickien.) Mais Sophie sera tuée et Fat fera sa réapparition dans la vie de Dick. Fat, assis devant son téléviseur, y cherchera des signes intelligibles.

C'est un roman qui parle de rédemption, de la bonté humaine en tant que force rédemptrice, de la réalité qui n'est qu'apparence mais qui est tout ce que nous avons (la connaissance d'une volonté supérieure n'apporte pas de réponses réelles aux questions existentielles de notre réalité quotidienne puisque c'est la seule que nous avons). Un autre thème est la surinformation — avec son corollaire : l'incapacité de plus en plus grande qu'ont les individus à produire des synthèses à partir de ce bombardement informationnel. Et la sensation de perdre pied et de ne trouver aucun sens à ce qui, auparavant, en faisait.

Valis
Philip K Dick
1981, Bantam
édition originale 1981
227 pages,
incluant Tractates Cryptica Scriptura
lecture : janvier 93

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