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mardi 16 mars 2010

I. Asimov - Isaac Asimov

Même s'il a publié en 79 et 80 les deux volumes de sa première autobiographie, ça n'empêche pas Isaac Asimov de récidiver; comme il l'avoue, n'est-il pas lui-même son sujet préféré ? Cette seconde autobiographie prolonge la première de la douzaine d'années manquantes mais récapitule aussi les soixante premières années d'existence du bon Docteur. Il y a donc double emploi pour ceux qui auront lu l'autobiographie initiale, mais peu m'en chaut, puisque ce n'est pas mon cas.

Le titre est un régal, un triple jeu de mots : I. Asimov, c'est bien sûr Isaac Asimov, mais c'est aussi Hi, Asimov et c'est I Asimov. Comme on va voir, c'est davantage cette dernière interprétation qui s'applique à l'ouvrage — mais on conviendra qu'une autobiographie n'est pas l'endroit où l'on parle des autres...

Le lecteur est convié à suivre le cheminement de l'auteur depuis sa tendre enfance à Brooklyn (après l'arrivée de Russie en février 23). Asimov était un enfant prodige, sachant lire bien avant de faire son entrée à l'école et possédant une capacité peu commune de déduction et d'intuition, ce qui a souvent contribué à créer un climat antagoniste avec ses camarades d'école, de high school et de collège. Asimov n'était pas un élève populaire avec les autres enfants, pas plus d'ailleurs qu'auprès des instituteurs qu'il se mettait à dos en les ostinant allègrement. Mais ce côté spectaculaire de son intelligence s'édulcore avec le temps : enfant prodige au primaire, il est exceptionnel au secondaire, très bon au collège et correct à l'université.

C'est aussi un enfant très solitaire, mais heureux de cette solitude car la boutique de son père lui permet de découvrir les pulps qu'il consommera avec boulimie. Très rapidement, il se met à écrire en cherchant à imiter ces histoires typées, anecdotiques à souhait, menées tambour battant. Dès l'âge de douze ou treize ans, il soumet des nouvelles qui sont refusées. Le déblocage survient vers dix-huit ans, ses premiers textes sont vendus à John W. Campbell, qui devient son mentor et le maître d'œuvre de l'Age d'or de la sf, cette période mythique qui voit éclore les talents d'Asimov, Clarke, Van Vogt, Heinlein, Simak, Bradbury, presque tous de l'écurie Campbell.

Très vite la réputation d'Asimov grandit avec de fort textes et aussi en vertu d'une production prodigieuse. Sa vie professionnelle ira couci-couça. Asimov se cherche un job. Issu du milieu universitaire, la recherche est la seule avenue, mais Asimov est un mauvais laborantin. Chaque fois, ce sera la chicane avec ses supérieurs et les emplois qu'il occupera seront au mieux précaires. Par contre, sa carrière littéraire part sur les chapeaux de roues. Tout ce qu'il écrit, il le vend. À la fin des années cinquante, son champ d'action s'élargit et il commence à publier des textes scientifiques : encore une fois, c'est le succès.

Quand il perd son poste de professeur associé à l'université de Boston, Asimov se lance dans l'écriture à fond la caisse. Déjà, les dernières années, ses revenus de l'écriture étaient trois ou cinq fois supérieurs à ceux de son job. Et comme disent les Anglais : The rest is history.

Ce qui frappe en premier lieu dans cette autobiographie, c'est l'incroyable auto-satisfaction de l'auteur vis-à-vis lui-même. Il cite d'ailleurs cette maxime qui, juge-t-il, s'applique à son cas : Cet homme est si peu modeste, mais il a tant de bonnes raisons de ne pas l'être.

Asimov est un ermite moderne, préférant vivre dans une pièce éclairée artificiellement avec ses papiers et sa machine à écrire que de parcourir le monde. Il craint d'ailleurs l'avion et déteste généralement les vacances et les voyages.

Dans ce livre il se montre parfois impudique, sa relation avec son fils David est manifestement un échec qui le meurtrit, et dont il ne sort pas grandit; il faut préciser que pour Asimov, l'écriture est la première de ses priorités, et tout le reste vient après. C'est capital pour la compréhension du personnage. Il écrit énormément, extrêmement fier d'une production tenant du phénomène. Dans sa carrière, il a publié plus de 450 livres de tout genre (à ce sujet, la bibliographie de ses livres est tout à fait stupéfiante : il a vraiment touché à tous les sujets — sauf la littérature générale). Il y a une espèce de bonhommie dans cette auto-suffisance qui ne déplaît pas, qui amuse en tous cas. L'homme est un égocentrique et un égoïste, mais pas du genre à écraser les autres pour s'approprier les titres et la gloire, son égocentrisme est de ne pas accorder aux autres toute l'attention dont ils ont besoin, témoin sa première femme, son fils David (dont il parle peu) et sa fille Robyn (à propos de laquelle il est plus prolixe, fier surtout de sa réussite qui s'est faite un peu en dépit de lui). Après l'échec de son premier mariage, Asimov va s'assagir, ou peut-être trouver une âme-soeur de qualité supérieure, et il devient nettement plus attentif aux besoins de Janet.

Le style est modeste, l'écriture claire et précise. La première partie de l'ouvrage, plus récapitulative m'est apparue nettement poussive. Mais, au moment d'écrire ce livre, Asimov se sait gravement malade et il espère seulement le terminer avant de mourir. Ses forces sont déclinantes, après une chirurgie réussie pour enlever une tumeur cancéreuse, un triple pontage, voilà que ses reins et son coeur commencent à céder à leur tour. Après avoir terminé la rédaction d'I. Asimov, Isaac vivra encore une année en relative bonne santé, puis sombrera dans une léthargie profonde, ses forces l'ayant abandonné, avant de quitter le monde le 6 avril 1992. Mais I. Asimov, une brique de 450 000 mots aura été écrit en 125 jours, un exploit peu commun dont s'enorgueillit ajuste titre Asimov à la fin de son autobiographie.

Asimov était libéral, athée, confiant dans les capacités de la science à apporter des solutions aux problèmes de l'humanité, et surtout prolifique, prolifique, prolifique...

L'épilogue, écrit par la seconde femme d'Asimov, Janet, raconte les deux années qui séparent l'écriture de l'autobiographie de la mort du bon Docteur. Pour cet homme si fier de ses capacités apparemment sans fin de travail, pour cet homme pour qui l'écriture était la justification de son existence, les derniers mois où il écrivait à peine quelques mots par jour, dans un état de prostration et de fatigue incessante, ont dû être une plongée dans un enfer imméritée...

I. Asimov
Isaac Asimov
1995, Bantam
édition originale 1994
563 pages avec introduction, photos
épilogue par Janet Asimov et bibliographie
lu: avril 95 

Bio of an Ogre - Piers Anthony

Ce qui dérange dans cette autobiographie, c'est l'aspect mythomane de la personnalité de Piers Anthony qu'elle nous montre. Et mythomane pas qu'un peu, mythomane à la puissance trois !

Piers Anthony se donne comme un modèle d'homme à principes. Honnêteté et intégrité sont les deux axes moraux qui guident sa conscience. Mais, en fait, cette autobiographie est une longue liste des chicanes qu'a eu Anthony avec ses voisins, avec les éditeurs, les critiques, d'autres écrivains, etc. En effet, M. Anthony est très chicanier : mettez ça, dit-il, sur le compte de mon intégrité.

Anthony se prend très au sérieux qui plus est. Dans le chapitre intitulé Novels, consacré à ses romans, outre ceux de la série Xanth, chacun des livres qu'il a écrit est en son genre une espèce de pierre blanche, un summum que peu d'autres auteurs ont atteint et encore moins dépassé. C'en est affligeant. Comme il a touché plusieurs genres : la sf, la fantasy, les arts martiaux, alors là, il faut en déduire que Anthony est un auteur qui compte.

Ce qui nous amène sur le sujet de la critique. Elle a été, à l'endroit de l'oeuvre d'Anthony, assez tiède (dans le meilleur des cas). Anthony n'en revient pas : si les critiques ne le blairent pas, c'est un problème de personnalité; encore là, sa très grande honnêteté et son intégrité de béton lui ont assuré des inimitiés durables dans le monde littéraire. C'est pour cette raison que les critiques le détestent, lui, et que, par conséquent, ils ne disent jamais rien de bon de ses livres. Car la valeur intrinsèque de ses oeuvres est incontestable. Mais Anthony ricane un peu car des honneurs littéraires, il en a peu à faire — encore qu'il recense méthodiquement tous les prix qu'il a failli gagner.

Cette autobiographie est un peu fastidieuse à lire dans la mesure où elle donne à l'auteur l'occasion de régler ses comptes et d'expliquer son comportement bizarre. Il y a une partie purement autobiographique centrée sur les années formatrices de l'auteur. C'est gentil, mais déjà il s'y révèle comme un individu chicanier, autoritaire, mythomane (même à dix ans, il ne se trompe jamais).

Il n'y a ni tendresse dans ce livre, ni aveu de faiblesse. La hargne, qui est constante, est une vengeance contre ceux qui ont douté de son talent et qui en doutent encore. Anthony confond tirage et talent. Ses livres se vendent, donc il a un talent rare et fou.

C'est une autobiographie à une seule facette à laquelle nous sommes conviés, comme à un buffet réduit à la salade de macaroni. Anthony est engagé dans un bras de fer paranoïaque avec le reste de l'univers. Cela en fait un livre peu engageant, mais très facile à lire. Sans humour non plus. Vulnérabilité, faiblesse, doute ? Connais pas. Anthony est coulé dans un béton armé (de principes). Et il est finalement, à force de faire son propre panégyrique, assez inquiétant et un peu ridicule

Bio of an Ogre
Piers Anthony 
Ace, 1988
314 pages (avec appendices)