La Dernière Orbite de Pierre Dion. La base orbitale Freedom cesse tout à coup d'émettre. Pressentant une catastrophe, Houston lance une navette spatiale pour rapatrier les survivants, s'il y en a. Tout le personnel de la base a survécu à un accident inexpliqué et s’est réfugié dans le dernier module intact. Mais le temps presse, les réserves d'oxygène s'amenuisent. Les Américains doivent faire appel à une navette russe en orbite. Grâce à l'ingéniosité de Sébastien Lacroix, les survivants sont sauvés et ramenés sain et sauf sur Terre... Une nouvelle d'une facture extrêmement classique, sans aucune espèce de surprise. Mais c'est bien fait, raconté en plus à la pure manière des Asimov, Clarke et autres grands auteurs de l'âge d'or. Un texte mineur mais formidablement divertissant.
Contamination de Jean-Louis Trudel. Des prisonniers glogs sont ramenés par leurs conquérants, les humains, vers certaines de leurs planètes d'origine. Venkshil Emalkolokk fait partie du lot. Il a été détenu dans un camp sur la Terre pendant si longtemps qu'il ne se doutait pas de l'ampleur de la défaite de son peuple. Sur le vaisseau qui le ramène vers Glensha ou vers Fulensha, il se lie d'amitié avec un Glog plus vieux et avec qui il tente de faire l'amour. Des souvenirs lui reviennent brutalement. Lors de son séjour dans le camp terriens, les humains se sont livrés sur lui à une expérience médicale de stérilisation. Pour les Glogs, le but ultime de l'acte sexuel étant la reproduction; pour Venkshil et son amant Shilko, c'est avant tout un drame. Mais Venkshil s'habitue à l'idée de sa propre stérilité — peut-être a-t-il été contaminé plus profondément; il y voit même un avantage pour les Glogs, pourquoi sont-ils dominés par cette idée de la procréation compulsive, la reproduction librement choisie n'est-elle pas supérieure, intellectuellement et émotionnellement ?... Une excellente nouvelle, exotique et pulpeuse, doublée d'une l'atmosphère riche, prenante. Ça se gâte très minisculement vers la fin quand le discours de Venkshil qui a adopté servilement le mode de pensée des humains sombre dans le prêchi-prêcha simili-écologique — mais cela s'explique en grande partie par la contamination intellectuelle dont il a été victime. Le texte joue alors sur une idée multi-étages de la contamination, ce qui est tout à l'honneur de l'auteur.
Les Yeux troubles de Claude Bolduc. À la recherche d'un livre de Le Fanu dans une bibliothèque d'occasion, le narrateur est tout à fait séduit par un très bel homme —Dumas — qui l'invite à venir discuter chez lui. Le narrateur est incapable de résister au regard hypnotique de Dumas. La conversation glisse sur le fantastique et l'irrationnel, sur l'hypnotisme, dans une atmosphère à la fois élégante et inquiétante car Dumas est parfois pris d'accès de désir de pouvoir et de colère qui terrifient le narrateur sans que ce dernier puisse y résister. Profitant d'une seconde d'inattention, le narrateur saute sur Dumas et lui arrache les yeux à l'aide d'une cuiller. Il met les yeux dans un bocal de saumure et passe ses soirées à les regarder. Au moment où il décide de se départir de cet étrange trésor, il est encore une fois pris à leur piège et c'est lui-même qui saute par la fenêtre de l'étage... Un fantastique d'atmosphère, vraiment élégant et inquiétant, sauf pour les commentaires au « je » qui sont en porte à faux par rapport à la nouvelle qui se termine par le « suicide » du narrateur. Des trois nouvelles, c'est la moins intéressante encore qu'elle se laisse lire sans aucune difficulté.
Le numéro est complété par une entrevue avec Jean Dion, d'une extrême modestie et en plein blocage d'écriture.
Solaris n' 108
automne 1993
70 pages
lecture : mai 94