Faire mouche de Michel Dufour. Un prisonnier est chargé de surveiller un mur blanc. Il ne doit pas se laisser distraire. C'est assez facile puisqu'il n'y a rien qui puisse le faire. Après des semaines, il entend une mouche. Elle l'agace, le titille. Il la tue. Une caméra suivait ses mouvements; le prisonnier a failli à son mandat. Comme punition, il est jeté éternellement dans un puits d'obscurité. Ah ! Le fantastique absurde... Allez y comprendre quelque chose au premier degré. C'est de la lecture symbolique en diable et interprétative par-dessus le marché. Nous sommes choyés. De la lecture pour universitaire en train de composer sa maîtrise sur l'absurde du monde contemporain. On s'emmerde, mais c'est sur du premier choix.
Troisième prise de Claude Bolduc. Une fille tourne une vidéo avec des copains. Le soir, elle regarde les rushes en solo chez elle. Ce qu'elle voit est tout autre que ce qui a été tourné. Sur l'écran, elle voit un agresseur. Elle se retourne. Coucou, il y a bien un agresseur dans la pièce. Le méchant met un terme à la carrière peu prometteuse de la pauvre actrice sans talent en la tuant. On a lu pire mais on a lu mieux.
Le réveil de Pangu, version 9,2 de Lisa Carducci. Une jeune femme en Chine achète un logiciel cosmologique. Parmi les menus, celui de la Création du monde, qu'elle essaie. Elle est prise dans un tourbillon, s'envole par la fenêtre et assiste à la création du monde et à la mort du dieu créateur. Revenue à son ordinateur, elle essaie un autre menu, tout aussi intéressant. Une jolie nouvelle, très courte, à la fin plutôt rapide mais satisfaisante dans les circonstances. Que cela se passe en Chine avec la mythologie du pays ajoute à l'insolite et crée une douce atmosphère de jubilation.
La Douzième vie des copies de Jean-Louis Trudel. Hard-science, le texte, et tout à fait incompréhensible. C'est obscur et à la limite de la lisibilité (Trudel a un problème au niveau de la qualité littéraire : son style est neutre et lointain, peu impliqué — si j'ose dire — et contribue au détachement du lecteur, en tous cas de ce lecteur-ci.) Rien à dire de l'histoire sinon qu'il y a des clones (pas sûr, en tous cas des êtres qui en sont à leur douzième vie-copie, d'où le titre), une supernova provoquée par les Suprémates pour détruire la Terre. Trudel emploie les idées habituelles du space-opera, mais la fin de ce texte est assez grotesque. Le vaisseau rempli de « copies » lance un message à la Terre pour les avertir du drame qui s'en vient. En raison des complexités (moultement expliquées) de l'espace-temps soumis à une vitesse quasi-luminique (en fait, le vaisseau va à la vitesse de la lumière moins « un cheveu », c'est textuel), le lecteur peut aller jusqu'à croire que les Terriens ont peut-être l'ombre d'une chance de s'en tirer; la supernova n'embrasant la Terre que huit ans après son déclenchement. On ne peut en être complètement sûr puisqu'à moins de posséder son doctorat en astrophysique, un doute subsistera toujours dans l'esprit du lecteur.
À l'occasion de la parution de son roman La Taupe et le Dragon, une entrevue de Joël Champetier complète ce numéro, accompagnée d'un article du même sur la création de mondes imaginaires, notamment Nouvelle-Chine.
Solaris n° 103
automne 1992
59 pages
lecture : juin 93
lecture : juin 93
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