ATTENTION SPOILERS PARTOUT

vendredi 17 décembre 2010

Solaris n° 94

Deux nouvelles seulement.

La Mer allée d'Élisabeth Vonarburg. Sur Virginia, la Mer recouvre la planète pendant la moitié de l'année locale (soit deux années terriennes). On ne sait pas d'où elle vient, ni comment, on ne peut que constater les effets perturbateurs de sa présence sur les colonies que la Terre cherche à implanter. La vie organique se dissout à son contact et elle a un effet inhibiteur sur l'énergie électrique. Une expédition est montée pour mener des tests scientifiques et une étude de navigabilité; et le narrateur, un romancier engagé par une compagnie qui se prépare à exploiter commercialement la planète, se charge d'écrire le journal de bord. La mission se déroule sans encombres au début, la Mer étant observée depuis douze ans, on a déjà pu mesurer sa grande régularité. Puis soudain, peut-être à cause de la présence du bateau dans lequel navigue l'équipe, la Mer se comporte différemment. Le bateau est incapable de toucher terre. Un à un, les membres d'équipage sombrent dans un coma.

La force de cette nouvelle réside dans l'irrésolution des angoisses qu'elle suscite. La Mer est probablement un organisme vivant, elle se comporte comme tel —mais le lecteur n'en est pas sûr. En fait, aucune réponse n'est apportée aux questions soulevées par la présence régulière et étrange de cette Mer qui n'en est pas une. Le lecteur baigne (c'est le cas de le dire, ha ha) dans un mystère total, une espèce d'altérité qui ne peut être réduite à la compréhension humaine. Un extraordinaire texte d'Élisabeth Vonarburg, peut-être son meilleur ?

Opprobre de Philippe Gauthier. Un journaliste français visite les États-Unis en 1992, quarante ans après les grands bombardements atomiques sur la Chine et l'U.R.S.S. qui firent 400 millions de victimes. Mis au ban des nations suite à ce geste condamnable, les États-Unis sont devenus une nation repliée sur elle-même, isolée, appauvrie, traversée de courants politiques pronant qui la fin de l'isolationnisme, qui une action militaire pour forcer les nations à faire commerce avec elle, qui le renforcement de l'isolationnisme. Le journaliste, un des rares étrangers à être admis au pays, deviendra un pion servant à justifier un coup d'état de la droite militariste. Le texte se termine sur une note lugubre et inquiétante : les États-Unis entreprennent d'augmenter leur stock nucléaire, bientôt suivis en vitesse par la France, la Grande-Bretagne et l'Allemagne. Ce texte est une excellente uchronie, bien ficelée, sans faille et rondement menée.

Solaris n° 94
novembre-décembre 1990
48 pages
lecture : juillet 93

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