Deux longues nouvelles seulement. Écrites par deux jeunes valeurs montantes de la SFQ.
Un Papillon à Mashak de Jean-Louis Trudel. Sur Glensha, dans la capitale Mashak, Goël Reyes décide d'apprendre la langue vernaculaire des Kilokkk (ou Glogs dans l'idiome humain). Goël est capitaine de la force d'occupation humaine connue sous le nom de Troisième Armée Tranquilizadora. Goël fait la connaissance de Sivienko, un Glog qui lui enseignera les rudiments du kilokkk grâce à de longues conversations. En échange, et sans le vouloir, Goël le convertira à l'AgnoSophisme, une doctrine qui mêle le doute et le chaos. Plus tard, Sivienko incitera les Glogs à la résistance active contre la Tranquilizadora et sera abattu par les hommes de la patrouille de Goël. Les efforts d'un seul homme sont comme le battement des ailes du papillon de l'effet du même nom (voir la rubrique Chaos). Et on comprend que la situation va vite se détériorer pour les Humains sur Glensha.
Trudel est un francophone demeurant à Toronto et je me demande si la qualité de son écriture ne se ressent d'une certaine dureté prosaïque anglophone. La phrase est courte, hachée, sans effet et, au bout du compte, plutôt neutre. Par contre, Trudel ne rechigne pas à la besogne, il a des idées et monte des scénarios complexes. Malheureusement, tout cela est un peu noyé dans une prose légèrement raboteuse et dans un découpage artificiel et mécanique.
Le Sang et l'oiseau d'Yves Meynard. Quelle étrange histoire que celle-ci; ou plutôt, quelles étranges histoires ! En effet, le Sang et l'oiseau est constituée de trois histoires fortement atmosphériques sans lien apparent sinon le caractère vaguement médiéval dans lesquels elles baignent, ainsi que par le partage de certains symboles récurrents : le sang, les oiseaux, l'errance, l'envoûtement et la mort.
La première histoire raconte comment Marzel tue des faucons pour les dépouiller de leurs plumes afin d'en faire un costume avec lequel il veut gagner les Equinoctiales. Il participera à ces Fêtes mais subira un envoûtement similaire aux glus qu'il emploie pour capturer les faucons et, comme eux, sans jamais apprendre le pourquoi de cette capture, il sera mis à mort par une créature inhumaine qui se « vêtira » de sa vie.
La deuxième histoire raconte comment Marika souhaite la mort de sa mère souffrante et agonisante sur son lit d'hôpital, tenue en vie par les préceptes de l'Église du Gentil Seigneur. Marika débranche sa mère. Enfin délivrée de ce fardeau, Marika s'enfuie en s'envolant. Elle est abattue par un tireur à la solde de l'Église du Gentil Seigneur. Toute transgression est donc sévèrement punie.
La troisième histoire est celle d'un trio de personnages inquiétants qui roule sa bosse à travers les campagnes dévastées par la guerre. L'un d'eux, télépathe, attire des victimes que les deux autres, Sara et l’Écarlate, attaquent pour s'en repaître. Lors d'une de ces attaques, les choses tournent mal, Sara est tuée ainsi que l'Écarlate. Survit Anyo qui continue d'entendre des voix dans sa tête.
Une excellente nouvelle dont l'unité artistique vient du partage de symboles puissants ainsi que la très grande maîtrise avec laquelle Meynard dirige son monde.
Le reste du magazine est occupée par les chroniques habituelles, par des bandes dessinées et par une longue entrevue de Daniel Sernine. Cette entrevue est divertissante mais on n'apprend fondamentalement rien de bien neuf sur le personnage qui ne se livre pas beaucoup : quand même, j'ai trouvé ça bien intéressant.
Solaris n° 105
printemps 1993
78 pages
lecture : juin 93
mercredi 22 décembre 2010
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