David accompagne Romo à la station balnéaire de Sainte-Hamine pour y vendre des chats. Le camion en est plein., les temps sont durs et les chats sont appréciés pour leur viande et leur fourrure. Pour arriver à Sainte-Hamine, ils doivent traverser une forêt pétrifiée dont les troncs explosent sous l'effet d'une espèce de pollinisation baroque. Cette traversée est un brillant repiquage sf du Salaire de la peur.
Sainte-Hamine est une ville coupée du monde. A cause de la forêt qui les entoure, les habitants n'ont presque plus de contact avec le monde extérieur et dépendent pour leur approvisionnement des malheureux marchands qui doivent encore la traverser au péril de leur vie.
Peu de temps après leur arrivée, Romo est tué par les habitants avides de chats et David se réfugie chez une veuve, Hélène. Elle accepte de le cacher et lui explique quel enfer la vie en ville est devenue : en effet, encerclé par la forêt et soumis à un bombardement de roches par des baleines extra-terrestres importées sur Terre pour accroître l'attrait commercial de la station balnéaire, les autorités de Sainte-Hamine ont pris un sérieux virage dictatorial : assassinats politiques et réquisition de travail obligatoire.
Forcé de rejoindre le maquis à la suite d'une dénonciation, Hélène et David font connaissance avec la face cachée du pouvoir à Sainte-Hamine. Mais c'est blanc bonnet et bonnet blanc. Ce pouvoir-là, qui se targue de rescaper ceux qui en ont assez de la vie dans la ville, est aussi pourri que celui de la surface. Encore une fois, ils s'évadent et prennent le large lorsque l'embarcation qu'ils manœuvrent pour abattre une baleine coule à pic. Agrippés à un esquif, David et Hélène se retrouvent sur une île déserte couverte de pierrailles au milieu du lac Léman; sous la pierre, un canot dont ils se servent pour regagner un coin de berge sécuritaire, loin de Sainte-Hamine.
Hélène décide de revenir à Sainte-Hamine car son fils s'y trouve encore. David revient à la civilisation; le mal de cœur le prend. Contaminé par les baleines, il se met lui aussi à cracher des pierres.
L'auteur ne rechigne pas à l'invention baroque. Certaines sont proprement inoubliables : les baleines cracheuses de pierres — d'où crache-béton —, la forêt pétrifiée polonisée, le monde souterrain vivant dans les égouts de Sainte-Hamine... Brussolo est un auteur captivant qui écrit dans un style lourdaud mais parfaitement maîtrisé. Ce roman en fait foi tant il est fertile en rebondissements. L'action est tout-à-fait soutenue et on ne s'ennuie pas une seule seconde. Par contre, Brussolo se laisse souvent emporté par la joie de la création inventive et du rebondissement imprévu; ce qui fait que le roman souffre d'une absence de rigueur et d'explications logiques : pourquoi la forêt pétrifiée existe-t-elle, que se passe-t-il dans le reste du monde pendant ce temps (le début et la fin du roman donnent à penser que c'est RAS partout ailleurs, situation extrêmement peu plausible du simple point de vue de la logique extérieure au récit).
J'avais été fasciné il y a longtemps par son recueil de nouvelles Aussi lourd que le vent et son roman de fantasy Le Carnaval de fer, sans jamais revenir à son œuvre -- ç'a été une erreur de ma part de dédaigner Brussolo. Faut pas que ça se reproduise...
Crache-Béton
Serge Brussolo
Fleuve Noir, 1993
183 pages
lecture : février 94
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