Firlipon Roger est une force de la nature. En fait, c'est le symbole de la Nature tumultueuse, irrépressible, la force du désir brut, l'illustration des forces pélagiques qui habitent et agitent l'homme : il est le feu ardent du sexe, il vole dans les airs, boit comme un trou, se terre et disparaît dans la ville. Les autres logeurs de Mme Tremblée le redoutent : ce sont des âmes soumises, des êtres mous abandonnés, des êtres peureux, qui baissent la tête, plient l'échine, marchent lentement sans faire de bruit.
Patience est désirée par tous les hommes de la pension. Mais elle n'en a que pour Firlipon Roger, elle est séduite par son apparence d'ours, par ses manières pas toujours délicates, elle veut se donner à lui très délibérément parce que, inscrit-elle dans son journal, « il a une grosse verge ». La première nuit, ils font l'amour. Cet acte bouleverse la microsociété de la logeuse Tremblée. À tel point que Firlipon Roger s'enfuit en volant une fusée à un policier et qu'il perd de vues tous ses poursuivants pendant plusieurs jours. Mme Tremblée elle-même se remet très mal de ce coït entre Firlipon et Patience car elle a l'œil sur Firlipon depuis longtemps (comme elle est âgée de près de soixante-dix ans, les chances qu'il vienne tremper son biscuit chez elle sont nulles — mais elle en garde une envie jalouse). Elle subit une crise catatonique qui la met sur le carreau pendant toute l'absence de Firlipon. Les autres logeurs sont si furieux de la perte de leur logeuse et du bouleversement de leurs vies qu'ils veulent faire un mauvais partie à Patience qu'ils prennent pour une vampire. Sur ces entrefaites revient Firlipon qui remet les choses à leur place en intimidant tout le monde jusqu'à la soumission. Firlipon et Patience vivront plus ou moins discrètement leur amour dans leur chambre jusqu'à l'annonce de la célébration de leur mariage.
Ce mariage donne lieu à une belle fête où toute la pension est invitée, et quelques musiciens par-dessus le marché. Ça boit solide. Firlipon ne peut résister à sa libido et il entraîne deux des locataires de Mme Tremblée dans la cuisine où il entreprend de leur faire brutalement l'amour pendant que Patience s'endort sur sa chaise dans le salon.
Firlipon revient prendre Patience dans ses bras et monte avec elle à l'étage. Là, il s'endort dans ses bras. Firlipon fait un rêve : une femme qu'il ne connaît pas, très belle, lui tend les bras en écartant les cuisses. Il lui fait l'amour. Il éjacule et un enfant sort immédiatement du ventre de la femme. Ils refont immédiatement l'amour et un autre enfant sort. Et ainsi de suite. Le roman s'achève sur ce rêve.
Ce roman est curieux. Il y a un épisode sf en plein milieu qui fait presque le tiers du livre. Cet épisode est inattendu et très peu justifiable puisqu'on ne reviendra jamais sur l'aspect futuriste de la société. Cette sf fait très Flash Gordon avec sacs à dos-fusée et très Big Brother avec appareils de communication, etc. Une sf datée qui donne une connotation vieillotte au roman.
C'est un roman des forces vitales. Du désir en tant que perturbation, révolution. Ce n'est pas un amour romantique, c'est la grande attraction physique, la poussée des hormones et tout ce qui s'ensuit.
L'articulation de cette fable est plutôt obscure : les éléments mythiques sont facilement discernables (la grosse verge, la constante poussée libidineuse, la société secrète, réprobatrice et hypocrite, les enfants qui naissent subitement après chaque coït), mais je comprends mal comment tirer un sens supérieur (c-à-d plus grand) de cet amalgame.
Patience et Firlipon
Jacques Benoît
Éditions du Jour, 1970183 pages
lecture : novembre 92