ATTENTION SPOILERS PARTOUT

mardi 6 avril 2010

The secret ascension, or Philip K. Dick is dead, alas - Michael Bishop

Aaaah! quel énorme plaisir j'ai pris à ce roman. Par moments, je me prenais à penser : quel formidable écrivain que ce PKD! C'est dire à quel point Bishop a su s'effacer et mettre en marche une formidable machine dickienne. Plus dickien que ça, tu meurs d'extase! Tout y est : l'attention aux petits métiers (le héros est vendeur dans un pet shop), la présence des animaux (qui parlent tout naturellement ! — chevaux, chiens, boas, ours de Brejnev), l'étouffement paranoïaque des personnages pris dans un climat politique prégnant et claustrophobique... Sans compter les ruptures de la réalité qui viennent tout naturellement elles aussi et qui renforcent le climat de paranoïa dont souffrent les personnages. L'œuvre de Dick, à ce niveau, relève-elle plus du fantastique que de la sf ? Les ruptures de réalité sont causés par des forces démiurges ou encore par l'absorption de drogues qui permettent l'interaction des réalités, mais, au moins pour un temps, dans les romans dickiens, la relation d'un personnage à la réalité altérée est toujours donnée comme étrange, impossible, relevant de la pathologie mentale jusqu'à ce que la réalité se révèle plus riche et complexe que prévue. La réalité selon Dick est une expérience devant laquelle la compréhension de l'homme doit se faire humble et ouverte — d'où une relation vers le divin de plus en plus marqué avec les derniers romans de l'auteur.

The Secret Ascension commence avec l'infarctus dont meurt Philip K. Dick. On n'a pas lu une page que PKD est mort. Mais son esprit reste encore un peu sur Terre afin d'altérer le monde. En effet, les USA sont devenus une république impériale dirigée par le Roi Richard, Richard Nixon. Une république nixonienne et maccarthyste, dictant à l'extérieur ses volontés à une URSS sur les genoux, imposant un Nouvel Ordre Mondial, et ne tolérant, à l'intérieur, aucun discours anticonformiste, aucune dissension. Les contrevenants disparaissent la nuit et les mouvements des individus sont sévèrement contrôlés. En somme, Bishop a créé une république stalinienne en plein cœur de l'Amérique.

PKD apparaît à un employé de pet shop et à sa femme pour leur annoncer qu'ils seront le fer de lance des altérations de réalité qui s'en viennent et qui visent à faire de leur univers un univers plus serein, où, par exemple, Nixon n'est plus l'épitomé du mal. Pour cela, il faut combattre le monstre par la force de la volonté du rêve (par la puissance du désir — un dickisme notoire). Mais en fait Calvin Pickford subira plus les assauts des force du changement qu'il n'influera directement sur la logique des évènements; Calvin est un peu le catalyseur immobile de cet histoire. Encore là, Pickford est un héros dickien, un catalyseur qui voit les choses arriver, qui voit les changements sans les influer volontairement.

Le fantôme de Dick créera une assemblée de disciples qui enlèveront Nixon et l'exorciseront. Cette scène est un monument de drôlerie. Les forces du bien et du changement triompheront, Nixon sera exorcisé et l'univers transformé. Mais le nouvel univers n'est pas l'univers que nous connaissons; le roman se termine sur un certain Philip Kyle Dick qui, en temps qu'écrivain, s'apprête à écrire un roman qui va altérer la réalité.

Bishop a produit une jubilante machine dickienne. Qu'il en soit remercié.

The Secret Ascension -- or Philip K. Dick is Dead, Alas
Michael Bishop
Tor, 1983
341 pages lecture : décembre 92

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