ATTENTION SPOILERS PARTOUT

dimanche 11 avril 2010

Le second violon - Yves Beauchemin

Nicolas Rivard, chroniqueur aux affaires municipales dans un grand quotidien montréalais, jette un regard désabusé sur sa vie : sa vie professionnelle végète — en tous cas, il en est insatisfait, sa vie familiale est la vie familiale typique d'un homme de quarante-cinq ans, marié, père de trois enfants dont un adolescent. Il a l'impression de faire du surplace, d'être devenu une espèce de nullité institutionnelle. Un jour qu'il prend le métro, il fait la rencontre de la plus belle jeune fille imaginable, ça le sidère, d'autant plus que cette découverte se fait au moment où son meilleur ami — et écrivain — meurt après une longue lutte contre le cancer. Rivard prend le taureau par les cornes et accoste la belle fille. Elle accepte d'aller dîner avec lui. Elle se surnomme Moineau. Rivard en tombe

éperdument amoureux et commence à coucher avec elle, assouvissant un désir longtemps réfréné. L'oncle de Nicolas lui offre de venir travailler dans l'immobilier. Rivard, qui se cherche un peu, accepte et prend un congé sabbatique du journal. Au même moment, il lève une affaire qui risque d'avoir des conséquences considérables : le ministre Robichaud s'est sali les mains dans une affaire de corruption industrielle. Malgré son congé, Rivard continue de mener cette enquête avec l'aide de son grand ami Robert Lupien, journaliste comme lui.

La femme de Rivard apprend la liaison avec la fille et décide de demander le divorce. Elle le sacre dehors et Rivard doit refaire sa vie. Moineau l'abandonne pour un clochard après le suicide de son ex-petit ami. Rivard est de plus en plus seul. Il attrape la grippe, côté immobilier sa cote baisse auprès de son oncle car il est de moins en moins performant : la faillite de son mariage, l'abandon de sa jeune maîtresse et l'enquête lui tarabustent les nerfs.

Croyant avoir coincé le ministre, il court l'interviewer. Rivard se fait manœuvrer très habilement par Robichaud ainsi que par le premier ministre du Québec (le lecteur savourera le portrait acidulé que l’auteur fait de Robert Bourassa). Au bout du compte, l'enquête foire à demi. Un article paraît mais pas avant que les principaux intéressés n'aient réussi à désamorcer la balloune.

Mais Rivard a fait le tour du jardin. Sa réflexion est complète, il entend demeurer journaliste (mais en changeant de journal) et il entreprend, tout à fait désespéré, de reconquérir sa femme à l'occasion d'un voyage aux îles de la Madeleine arrangé pour le premier anniversaire de la mort de son ami Durivage.

Le roman se termine sur une promesse de temps meilleurs entre Rivard et sa femme, alors que le pays entre dans l'été.

La première impression qui se dégage de ce roman c'est sa longueur assez invraisemblable. Voilà un livre qui aurait gagné à être aminci d’une centaine de pages au bas mot. Le style de Beauchemin est très agréable à lire, mais on sent qu'il tire à la ligne. Ça se remarque par la redondance légère de certaines scènes, la longueur parfois traînante du quotidien, par cette impression que l'auteur, par moments, ne sait plus trop où il va ni comment faire avancer son intrigue et qu'il procède par une espèce de remplissage mou et alangui de choses quotidiennes.

Une seconde impression, c'est que le lecteur se fait flouer au bout du compte. Que raconte le roman ? Un gars a une aventure et tente de débusquer une grosse affaire politique. Son aventure lui pète à la gueule assez rapidement (au mitan de l’œuvre) et l'affaire de corruption n'a certainement pas l'impact qu'elle eût pu — finissant elle aussi en pétard mouillé. Le personnage principal boucle donc une espèce de circuit en rond, assorti d'une morale tristounette : il abandonne femme et travail avant de se rendre compte qu'il était plus confortable avec l'une et avec l'autre, auxquelles il revient en s'humiliant pour en être accepté de nouveau. Drôle de moralité dans laquelle le changement n'a pas de place, où ce qui compte c'est la pérennité du confort. Troisième impression : les dialogues sont par moments explicatifs et didactiques, redondants par rapport à l'action; en plus d'être curieusement déchirés par des ruptures de tons inacceptables de la part d'un romancier d'expérience. Et aussi, quelle idée de mettre des jurons comme « trou de lunettes » dans la bouche d'hommes mûrs exprimant leur colère. J'y vois l'influence maléfique du roman jeunesse, cet énorme corrupteur des romanciers d'ici.

Malgré cela ces considérations somme toute mineures, le roman est une lecture très agréable, mais qui laissera peu de traces tant évanescents en sont les ingrédients.

Le Second Violon
Yves Beauchemin
Québec/Amérique, 1996
556 pages
lu: avril 96

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