Le premier texte raconte donc des souvenirs de l'enfance de l'auteur dans le minuscule village de Clova, un village forestier appartenant à une grande firme américaine. Son père s'étant fait offrir une place avec une augmentation de salaire considérable, la famille Beauchemin part s'y installer. Yves a cinq ans. Clova, avec ses 30 familles et ses 2500 bûcherons, c’est avant tout les grands espaces, les feux de forêt qui éclatent en quelques secondes et menacent jusqu'à l'existence même du village, les bûcherons ivrognes, teigneux, dangereux, mais c'est aussi une liberté incroyable et un sens de la communauté propre aux petits groupements humains éloignés. Les Beauchemin y vivront cinq ans. L'auteur, qui en garde un souvenir présent et chaleureux, parvient à faire partager son émotion.
Le deuxième texte porte sur la ville, l'amour que Beauchemin lui voue. C'est un texte étrange, très court et insatisfaisant, qui mêle à ses souvenirs de jeunesse (l'arrivée à Montréal), des notes poético-sociologiques laissant sournoisement fuser de petites lances xénophobiques de l'auteur à l'égard de tout ce qui n'est pas francophone...
Quant à eux, les journaux souffrent tous les deux du même défaut. Comme Beauchemin refuse de s'y livrer en profondeur (ce genre d'exercice lui cause malaise), alors le journal louvoie dans l'insignifiant, dans la confidence retenue, dans le superficiel (ah! les réparations de sous-sol), ce qui — en somme — revient à causer pour ne rien dire.
On n'y sent une émotion qu'à de rares exceptions, par exemple, quand il doit expliquer à son jeune fils que son poisson mort ne reviendra pas — cela, presque à l'insu de l'auteur. Car quand Beauchemin cherche à générer une émotion véritable (son amour pour la musique classique), le texte demeure curieusement sec, pareil à une pâte sans levain.
Un dernier reproche. Soyons à notre tour sociologique. Beauchemin symbolise bien les valeurs peureuses et frileuses du discours nationaliste québécois des années 70 (qui sévit encore). Pensons ici à trois jérémiades qu'il nous assène constamment : i) la pauvre ville de Montréal saccagée par des promoteurs sans foi ni loi, ii) le pauvre Québécois exploité sans vergogne par les politiciens véreux d'Ottawa, iii) la pauvre langue française saccagée et charcutée par les maudits Anglais et leurs sbires allophones. Beau discours d'où il ressort que notre destin dépend toujours des autres, que notre responsabilité individuelle n'existe pas... Discours xénophobe, irréaliste, irresponsable, en un mot : enfantin.
Mais le livre reste tout de même d’une lecture facile en raison du style efficace et compétent de Beauchemin.
Du sommet d'un arbre
Yves Beauchemin
Québec/Amérique,1986139 pages
lu: mars 96
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