Loulou, une belle petite brune vivace, délurée, la copine d'un voisin de palier, fait son entrée dans sa vie sous le prétexte de venir prendre une tasse de café chez lui. Loulou, c'est l'irruption de la sexualité débridée, mademoiselle est une saute-au-paf extraordinaire : elle met littéralement la main dans la culotte du zouave pour le titiller; et le narrateur consomme la perte de sa virginité debout, en plein jour sur le balcon d'en avant, sous une couverture nouée autour de leurs corps. Après cet épisode, Loulou disparaît de sa vie en lui faisant un petit cadeau : le narrateur est poivré.
C'est en soignant les effets de cette blenno qu'il recevra un coup de téléphone de Rébecca qui tient à le revoir. Ils vont au cinéma, elle s'invite à son appartement. Il a une folle envie d'elle, c'est vraiment la super belle fille bien proportionnée, rousse par-dessus le marché, avec des nichons dont il est seulement permis de rêver. Seulement la blenno est une barrière rédhibitoire; même lorsque Rébecca lui apparaît vêtue d'un seul chandail et se colle à lui, son sens moral lui fait refuser pareille avance. Il ne consomme pas et Rébecca qui lui offrait sa virginité s'en retourne. Il n'en entendra plus parler car il perd l'adresse et le numéro de téléphone qu'elle lui avait laissé, quant à son nom, il ne le sait pas (et ne le saura jamais). Il doit donc faire une croix là-dessus.
Au cours d'un voyage aux Caraïbes, il rencontre de nouveau Loulou. Petite conversation embarrassée. Puis l'impétueuse jeune femme l'entraîne pour une séance de baise acrobatique dans les toilettes minuscules de l'avion. Durant les vacances, elle viendra à tout propos faire l'amour avec lui. Après les vacances, elle disparaît temporairement de sa vie (c'est une manie; les femmes ne s'accrochent pas à lui).
Avec sa liberté reconquise, pour éviter l'accident malencontreux et surtout pour faire preuve de responsabilité, il subit une vasectomie. Et sème le foutre stérile à tous vents. Il revoit Rébecca, qui est encore amoureuse de lui... Et lui donc ! Elle lui demande de lui faire un enfant. Le narrateur lui cache la vérité à propos de son opération et la prend sous tous les angles. C'est la tringlée gigantesque, monstrueuse de beauté et proprement infernale. Rébecca le quitte pour un joueur de trombone de l'orchestre symphonique de Québec, alors que le narrateur vient de subir une opération pour se remettre la quincaillerie intime en fonction.
D'autre part, sa relation avec Loulou prend une tout autre tournure, au cours du mariage d'une amie, après s'être estourbi bite et noune dans un confessionnal, Loulou décide que c'est le temps de se marier. Piégé, le narrateur accepte (car il avait entendu autre chose dans le chuchotement de Loulou). Un mariage basé sur un désir débridé de sexe ne va pas tenir le coup bien longtemps, on s'en doute. Après quelques années, Loulou et le narrateur se quittent en bons termes, c'est le temps de mettre une fin à cette partie de leur vie.
Une dizaine d'années plus tard, sur la plage de Varadero, le narrateur revoit Rébecca, la quarantaine lumineuse. Elle traîne avec elle un mouflet qui aurait pu être le leur si seulement... Il songe continuellement à Rébecca, et aussi à Loulou, qui est l'autre moitié de son rêve.
Le narrateur oscille entre les deux aspects de la ludicité du sexe, le rêve intouchable, accablant de pureté, et la lubricité inextinguible. Rébecca est l'image idéalisée de la femme, de la Vierge, de la maman, celle dont le désir ne peut être comblé. Quand elle se donne à lui la première fois, il doit refuser pour cause de blennorragie saignante; et la deuxième, il ne peut lui faire l'enfant qu'elle veut. C'est donc l'échec retentissant de cette relation même si le sexe est succulent. Le sexe n'est que la voie de passage vers un accomplissement autre.
Loulou est évidemment l'image inverse de la Vierge et de la maman. Loulou, c'est la fille facile, la cochonne au cube que rien ne rebute et qui ne refuse jamais rien. Dans un accès de culpabilité typiquement judéo-chrétienne, le péché, la maladie sera transmise par cette permissive jeune femme. Mais avec Loulou, le sexe trouve sa justification en lui-même, l'échec de la relation s'accomplit quand on tente d'adjoindre à la sexualité quelque chose en plus, ici le mariage, la vie en couple.
Non seulement les deux femmes sont-elles des images renversées l'une de l'autre, mais le rapport qu'elles ont au sexe est lui-même à l'inverse. Des images miroirs, en somme.
Le roman s'inscrit dans la même période historique que Moi, les parapluies..., du début des années 60 à la fin des années 80, encore que cela n'ait aucun impact sur le roman outre le fait d'authentifier la rencontre du narrateur avec Rébecca. Le personnage principal, lui, est typiquement barcelien : comme un rafiot sur une mer pas très calme, il est ballotté par les événements. Les gestes qu'il pose pour s'accrocher à la réalité (soigner sa blenno, la vasectomie, les petits mensonges qu'il commet à droite et à gauche) ont pour effet d'accroître le mouvement de roulis et de tangage, ce qui active sa dérive. C'est souvent drôle. C'est même, oserais-je dire, l'équivalent de l'humour juif chez nous !
Ce roman, malgré son côté ouvertement explicite, n'est pas vraiment érotique. Il est plus amusant que drôle. Un roman complètement mineur mais agréable.
De Loulou à Rébecca (et vice versa, plus d'une fois)
François Barcelo (sous le pseudonyme Antoine Z. Erty)
1993, Libre Expressionédition originale 1993
105 pages
lu: février 95
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