ATTENTION SPOILERS PARTOUT

lundi 5 avril 2010

Ce recueil de l'ensemble de la production de nouvelles de Barcelo est divisé en quatre parties chronologiques. La première partie se compose des textes les plus anciens, écrits quand l'auteur avait vingt ans, et s'intitule Nouvelles anciennes (1960-1962). Les six textes qui la composent (Le Comédien, Nathalie, Cretons bouillants, Sans térébenthine, Le Cimetière des morues, La Poule, Au fond de ses yeux) montrent l'inexpérience de l'auteur. Qui plus est ce sont des nouvelles noires, introspectives, psychologiques, et finalement on n'en retient rien.

La deuxième partie, Nouvelles étranges (1981-1983), est composée de Écrivains XXIII, Les semeurs de robots, Une Histoire de marde pour en finir avec les histoires de merde, L'Homme qui faisait arrêter les trains. Ce sont des nouvelles de sf. Écrivains XXIII : des écrivains croient encore écrire de leur propre gré alors qu'ils sont les jouets d'ordinateurs chargés d'entretenir leur ego. Les Semeurs de robots : la plus faible nouvelle de ce lot, le retour à la Terre de deux jeunes hippies qui rêvent de faire leur vie à cultiver des robots. C'est platement écrit, avec un faux bucolisme qui ne passe pas. Une Histoire de marde... : alors là, chapeau, faut le faire. Un vaisseau spatial piloté par un Français et un Québécois est en orbite autour d'une planète constituée d'excréments humains. Ils atterrissent. Le Québécois encule son collègue et ils périssent tous deux quand leur astronef s'enlise et est incapable de décoller. L'enjouement juvénile à parler de marde et la description des relations très colons entre le Français et le Québécois font de cette nouvelle un sommet de scatologie amusante. L'Homme qui faisait arrêter les trains : un homme insignifiant a le pouvoir d'arrêter les trains. En voulant impressionner une jeune femme avec ce pouvoir étrange et bizarre, il reçoit du cheminot de la locomotive un coup de poing sur le nez qui le catapulte dans la rivière gelée. La glace cède sous son poids et il périt noyé. Une histoire absurde, mais le cynisme de Barcelo s'y déploie gracieusement. L'homme ne peut rien contre le Destin, tous ses efforts ne servent à rien pour l’empêcher de se déployer.

La troisième partie s'intitule Nouvelles noires (1984-1990) et comprend quatre textes Tous des imbéciles, Le Bon numéro, La Salope, Le Héros de Bougainville. Tous des imbéciles : un étrange virus attaque les gens les plus intelligents. Ça meurt, ça meurt, mais pas le héros qui est pourtant professeur d'université. Au début, il en est rassuré, mais au fur et à mesure que le virus attaque des gens un peu moins brillants que les précédents, et qu'il échappe toujours à la mort, le voilà qui s'inquiète. Son attitude oscille entre la joie de survivre et l'orgueil d'être moins intelligent que la moyenne. Le ton sarcastique léger de Barcelo fait merveille et la chute est très réussi quand le professeur fait semblant d'être atteint par le virus en se disant que sa comédie va réussir car ceux qui restent ne verront pas le subterfuge, après tout, ce sont tous des imbéciles maintenant... Le Bon numéro est un petit truc sans importance, une histoire de numéro de téléphone. Banal. La Salope : une vieille femme se voit ordonner de se suicider par des fonctionnaires du Ministère des affaires sociales car un suicide le vendredi treize par une ex grande star de cinéma fera monter les suicides de jeunes et de dépendants par imitation, ce qui permettrait au Ministère de réduire ses dépenses. La vieille accepte, mais elle se suicide le samedi quatorze, ce qui fout par terre le plan des fonctionnaires. Grinçant. Le Héros de Bougainville, c'est l'histoire d'un homme qui veut séduire une jeune physiothérapeute en montant une mise en scène complexe dont il sortira le héros. Malheureusement pour lui, ça échoue dramatiquement, et le bonhomme se retrouve tétraplégique végétatif dans les bras littéralement de la jeune femme qui lui prodigue sa physio. Encore là, grinçant, un peu méchant et épais même. Une excellente histoire.

Les cinq histoires qui ferment l'ouvrage sont les Nouvelles fraîches (1991), des textes inédits qui sont plutôt des souvenirs de voyage (Népal et Inde) que de véritables nouvelles. Elles illustrent quand même la nouvelle manière de Barcelo le romancier qui, de plus en plus, incorpore à ses romans ses souvenirs de voyage. Mais ici, à part la qualité de l'observation, il n'y a rien pour soutenir l'intérêt.

Longues histoires courtes
François Barcelo
Libre Expression,1992
195 pages
lu 1992

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