ATTENTION SPOILERS PARTOUT

dimanche 11 avril 2010

Antoine et Alfred - Yves Beauchemin

Un jour, Antoine Brisson fait la connaissance d'Alfred, un rat qui parle. Antoine est d'abord révulsé. C'est un rat. Mais très vite il est captivé et subjugué par ce rongeur aux humeurs à fleur de peau. Il le cache dans sa chambre. Quelle commotion ce serait si sa famille apprenait qu'elle héberge maintenant un rat dans ses murs.

Bien sûr, une nouvelle comme ça ne peut manquer de s'ébruiter. Le comportement d'Antoine devient suspect aux yeux de sa mère et de son père : on l'entend parler seul, il monte de la nourriture dans sa chambre, etc. Puis le chat sort du sac (façon de parler puisqu'il s'agit d'un rat) : effectivement tout le monde est choqué. Mais Alfred séduit chacun et chacune et l'unanimité se fait quand la toute petite fille de la famille, Agnès, deux ans, s'amourache du rongeur. On décide donc de garder le rat à condition qu'il passe d'abord entre les mains d'un vétérinaire et qu'ensuite il promette de se soumettre à l'hygiène de fer de la famille.

Antoine décide ensuite de présenter Alfred à ses deux meilleurs amis, Michel et Robert. Même scénario : réticence d'abord puis acceptation enthousiaste. L'irrésistible Alfred s'impose comme le chef de leur petite bande. Ensemble, ils visitent la ville, grimpent aux arbres, Alfred dans la poche du coupe-vent d'Antoine. Alors qu'ils font le tour de l'hôtel de ville et du bureau du maire, Alfred se fait coincé loin de la coupe protectrice de son ami. Antoine, Michel et Robert décide d'un plan pour récupérer Alfred, toujours coincé à l'intérieur. Plusieurs jours passent avant que les amis décident de faire un tour dans les égouts de la ville à proximité. Après quelques péripéties, ils retrouvent Alfred sanguinolent, les pattes brisées, à demi-mort. Vite, ils le ramènent à la maison. On se précipite chez le vétérinaire (qui n'en revient évidemment pas qu'on s'acharne à sauvegarder un rat à gros prix) qui sauve Alfred après un gros combat médical ponctué de trois opérations. Alfred fait le serment de rembourser à M. Brisson les frais médicaux; déjà une idée mijote dans le crâne d'Antoine...

L'intention derrière ce roman est tout à fait louable. Beauchemin l'a écrit pour un jeune leucémique à l'hôpital. C'est pourquoi le mouvement révulsion-acceptation est si important. Le rat, porteur de toutes les maladies et objet de révulsion, est finalement un chic type, un être d'exception — et on peut imaginer l'impact de ce message sur un jeune garçon souffrant.

Mais nonobstant l'intention, la lecture du roman ne satisfait pas. D'abord il y a absence d’intrigue. C'est un récit. Le garçon trouve un animal, le perd et le retrouve. Ce n'est pas une intrigue, ça, c'est à peine une trame de base. À partir de là, Beauchemin raconte trois fois la même anecdote basée sur le tandem révulsion-acceptation : Antoine d'abord, la famille ensuite, les amis enfin. Puis c'est la perte d'Alfred que tout le monde aime, les retrouvailles et le déchirement du séjour à l'hôpital (encore que cette partie soit assez occultée). La course à Alfred, sous la mairie, est longuette, redondante et sent le petit air de flûte d'un auteur qui ne sait pas vraiment où il s'en va.

Bref, Antoine et Alfred ne se démarque pas de la littérature jeunesse québécoise, il en même la parfaite illustration. Écrit sans ligne directrice et sans le souci de raconter une bonne histoire, le roman étire sa série de clichés, de rebondissements prévisibles et de lieux communs.

Antoine et Alfred
Yves Beauchemin
Québec/Amérique, 1992
149 pages
lu: novembre 95

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